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Maison à vendre

Il me faut vendre ma maison. C’est un paradis sur la montagne. Il n’y a que le vent qui joue à la journée longue dans les grands arbres, quelques ratons laveurs que j’attrape avec une cage et que je vais porter près d’un lac, à cinq ou six kilomètres d’ici. Il y a la famille chevreuil, biche et faon qui se couche sous le pommier, le soir, jusqu’à l’aube. Les drôles de marmottes font aussi l’objet de mon système d’émigration. Quatre, cette année, ont été recyclées dans le paysage. Il y a le jardin, les fines herbes surtout, et en ce moment la rangée des coquelicots qui éclatent après le myosotis, lequel donne son spectacle de bleus en premier dans les zones ombrées. Il y a le grand pin que j’ai planté, devenu un géant tranquille, l’orme de mon oncle Lucien, légué sous forme de bouture dans une bible rapportée de Chine, planté il y a quarante ans, qui touche maintenant aux nuages. Il y a des souvenirs, aussi, qui touchent aux nuages. Je revois les gars du Grand Cirque Ordinaire, debout autour du feu, devisant tranquillement devant l’espace ouvert sur la vallée et les montagnes. Je revois les grands bouleaux, ployés jusqu’au sol, sous le verglas de janvier 98. Les feux d’artifices dans la neige en 2000. Je revois ma fille Marisol courir derrière son grand labrador Bouille, qui chaque jour allait l’accueillir au bus scolaire, pour l’escorter ensuite sur 1 km jusqu’à la maison. Je revois toutes ces beautés du monde qui ont fait de ce lieu un temple rempli des ors et des joyaux que nos cœurs amoureux de la vie ont montés en colliers de plaisirs. Mais il nous faut vendre notre maison. Parce que, disait l’autre, méfiez-vous de vos rêves, ils se réalisent. Et nous avons réalisé celui de construire une autre maison, décision un jour de paresse, alors que j’imaginais qu’il serait plus simple d’être ailleurs. Et la maison nouvelle est belle, elle suggère une autre aventure. C’est ma fille Marisol qui en a complété le design sur une esquisse de mes nouveaux désirs. Je me sens un peu comme le raton laveur que j’ai amené au bord du lac, dans une cage, tout à l’heure. Il m’a regardé de ses petits yeux en forme de boutons de bottines et il m’a dit : à quoi tu joue, mec?
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La terre est ronde, tu ne le sais pas? On revient toujours à son point de départ, yes, yes. Bilingue, mon raton. Il a dû beaucoup voyager. J’espère que ceux qui achèteront ma maison sauront que tout est dans un cercle, comme le dit Hehaka Tapa de la tribu des Oglagas, une branche des Tétons Dakotas, l’une des plus puissantes familles de Sioux, parent de Sitting Bull et de Red Cloud, et qui fut témoin de la bataille de Little Big Horn:

Vous avez remarqué que toute chose faite par un indien est dans un cercle, il en est ainsi parce que le pouvoir de l’Univers agit selon des cercles et que toute chose tend à être ronde. Dans l’ancien temps, lorsque nous étions un peuple fort et heureux, tout notre pouvoir nous venait du cercle sacré de la nation, et tant qu’il ne fut pas brisé, notre peuple a prospéré. L’arbre florissant était le centre vivant du cercle et le cercle des quatre quartiers le nourrissait. L’est donnait la paix et la lumière, le sud donnait la chaleur, l’ouest donnait la pluie et le nord, par ses vents froids et puissants, donnait force et endurance. Cette connaissance nous vint de l’outre-monde avec notre religion. Tout ce qui fait le pouvoir de l’Univers se fait dans un cercle. Le Ciel est rond et j’ai entendu dire que la terre est ronde comme une balle et que toutes les étoiles le sont aussi. Le vent, au sommet de sa fureur, tourbillonne. Les oiseaux font leur nid en cercle parce qu’ils ont la même religion que nous. Le soleil s’élève et redescend dans un cercle. La lune fait de même et tous les deux sont ronds. Même les saisons forment un grand cercle dans leurs changements et reviennent toujours où elles étaient. La vie de l’homme est dans un cercle de l’enfance jusqu’à l’enfance et ainsi en est-il pour chaque chose où le pouvoir se meut. Nos tipis étaient ronds comme les nids des oiseaux et toujours disposés en cercle, le cercle de la nation, le nid de nombreux nids où le Grand Esprit nous destinait à couver nos enfants1. Les oiseaux dans le nid, les planètes dans l’espace, le bébé dans le ventre rond de maman. Même quand l’âge arrive, nous sommes comme des petits enfants, le regard plus grand que la panse, toujours prêts à courir derrière un nouveau labrador. En rond.

1- Extrait tiré du livre remarquable de T.C. Mcluhan, Pieds nus sur la terre sacrée, édité en 1971 par Outerbridge & Lazard, New York, en français par Denoël en 1974, Paris. Le passage cité est tiré de l’autobiographie de Black Elk (Hehaka Sapa), dictée en 1930-31 à Flaming Rainbow (John G. Neihart).

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