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L’arbre

IMG_3193Hier, nous avons organisé un petit souper avec des amis. Des amis chers, depuis longtemps. Nous étions six, et c’était un peu comme si nous étions des dizaines autour d’un petit verre de Tequila. Nous parlions en même temps de tout ce qui nous a tenu a cœur ces derniers temps, cette dernière année, ce dernier siècle. Renoir n’était pas loin, René et Louis-Philippe faisaient allusion à tout ce qui compte, entre Paris et la Normandie, ou bien entre nous et le tour de l’horizon tropical. Cancun il y a quarante ans, Val-David il y a trente ans, Nice il y a vingt ans, New York il y a dix ans : tout a disparu sous la hache du Temps. Mais hier, le sang circulait dans nos veines comme la sève de ce printemps princier, alors que les oiseaux retrouvent leurs vieux nids et les outardes leurs vieilles banquises. Nous n’avons pas le même âge mais nous avons tous les âges ensemble. C’est cela, l’amitié : être les branches indépendantes d’un même arbre. Tout ce qui nourrit l’un nourrit l’autre, nous sommes orientés vers le même soleil, la nuit nous dormons ensemble, immobiles, à l’écoute des mêmes étoiles. Nous pensons savoir qu’entre nos racines et nos futaies, les amis décédés ont tendu des fils de soie pour capter la lumière de nos pensées secrètes. Nous sentons notre jeunesse renaitre avec chaque regard de nos femmes, toujours belles comme le jour, toujours comme nous les avons aimées d’abord. Annie, Jeanne et Diane sont des princesses de la branche supérieure, celle qui donnent vers le crépuscule maintenant, après des années d’aurores. Nous buvons du bon vin, nos taisons nos malaises, nos échecs, nos fantômes ricaneurs, nous sourions à l’agneau sublime de Raymond-le-disparu qui  nous nourrit et dans la douleur de vieillir, nous subissons par moment la joie absolue de n’être pas seuls dans ce partage, puisque nous avons le même tronc, la même terre, la même histoire au-dessus du champ des possibles. La beauté du monde est comme ça, sans finition, glissante et évaporée, à la façon dont René le disait justement : au moment de mourir, la vision de la vie est parfaitement emballante. Et nous continuons doucement à siffler de l’air dans nos ramures du grand orchestre de la Solitude, chacun branché sur son arbre d’amis, en pleine forêt vierge de la Connaissance, subjugués par l’instant présent inaltérable.

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